Quand je pense à mon père, je le revois tel un géant descendre le grand escalier de la maison avec deux, trois, voire quatre de ses enfants dans les bras ou accrochés à son dos.
Je me rappelle aussi qu'il me laissait lui sauter sur les genoux et jouer à la coiffeuse avec ses cheveux et le peigne qu'il avait toujours dans la poche arrière de son pantalon.
Quand je pense à mon père, je le revois à son établi, la loupe d'horloger fixée à l'aide d'un gros ressort sur le front ou sur l’œil.
Je pouvais le regarder travailler, parfois même jouer avec ses petits outils. Mais quand les mécanismes des montres étaient récalcitrants, il se mettait à taper du pied, puis tonnait avec des jurons qui me faisaient peur.
Je me souviens aussi que pour les demandes un peu spéciales, c'est à lui qu'il fallait s'adresser plutôt qu'à notre mère car on n'avait beaucoup plus de chance d'obtenir satisfaction. Les mauvaises notes dans le carnet à signer en fin de semaine passaient également beaucoup plus facilement avec lui !
Quand je pense à mon père, je me rappelle avec délice le petit privilège que j'avais vis à vis de lui parce que nous partagions le même jour anniversaire de notre naissance.
Quand je pense à mon père, il y a aussi beaucoup d'autres souvenirs nettement moins agréables qui me reviennent mais je n'ai pas envie d'en parler aujourd'hui.
Ce jour, cela fait précisément 30 ans que je suis orpheline de père.